|
Photo : Claire Mouquet (Gretia)
|
La synthèse bibliographique a permis de
recenser 59 références liées aux invertébrés
des laisses de mer et 71 données complètes d'invertébrés
ont été recueillies sur toute la côte ouest de
la Manche (c'est à dire une espèce observée en
un lieu et pour une date). Le travail de terrain a permis quant à
lui de collecter 14781 individus et de recenser 69 espèces
d'invertébrés.
Parmi elles, un quart a été défini
par la bibliographie comme dépendant uniquement ou très
fortement de l'habitat d'intérêt communautaire qu'est
la laisse de mer. Un autre quart des espèces a été
mis en avant comme étant étroitement lié à
un autre habitat communautaire, les dunes. La moitié des espèces
recensées dans cette étude peut être considérée
comme déterminante.
|

Photo : Claire Mouquet (Gretia)
|
Les cadavres d'animaux regroupent ceux d'espèces
marines (méduses, crabes
), d'oiseaux et plus rarement
de mammifères marins. De par les importantes quantités
de sels fixés dans ces cadavres conjuguées au séchage
rapide de ces corps sur le littoral, la faune peuplant ces cadavres
est particulière et diffère, à l'exception de
quelques espèces généralistes, des nécrophages
continentaux (Kirby, 1992). Ce sont essentiellement des larves de
Diptères, dont se nourrissent des Coléoptères
Histéridés, citons ici Baeckmanniolus dimidiatus
ssp. maritimus (photo ci-contre), de ce fait indirectement inféodé
aux cadavres.
A côté de ces espèces caractéristiques,
des espèces occasionnelles bien plus nombreuses viennent profiter
de cette manne alimentaire ou de ces abris : Coléoptères
carabiques et Cicindélidés, Diptères Asilidés
comme Philoniscus albiceps qui chasse notamment les Cicindèles,
Hyménoptères parasitoïdes
Chevin (1966) évoquent
également les espèces accidentelles qui emportées
par les courants aériens, tombent à la surface de la
mer et s'échouent sur la plage. Elles peuvent être donc
trouvées, vivantes ou mortes, dans les laisses c'est le cas
entre autres du Doryphore.
De nombreux oiseaux, certains nichant au niveau de la laisse de mer
comme le Gravelot à collier interrompu, viennent également
profiter de ces proies
avant d'être eux-mêmes recyclés
par les nécrophages !
|
| Prise en compte des
invertébrés dans la problématique de conservation
des laisses de mer
Les laisses de mer constituent toutefois un habitat
particulièrement menacé. Quand ce n'est pas par des
pollutions d'hydrocarbures tristement d'actualité, c'est par
le nettoyage mécanique des plages que les communes mettent
en place ! Depuis plusieurs années, des associations normandes
telles que le CPIE Vallée de l'Orne, le Groupe Ornithologique
Normand ou Manche-Nature militent pour une meilleure connaissance
et une protection de cet habitat et des actions sont menées
telle que l'opération "rivages propre" dans le Calvados.
Mais dans cette dernière, comme dans d'autres en France, ce
sont les aspects botaniques et ornithologiques qui sont mis en avant.
Et pourtant, l'intérêt des invertébrés
des laisses de mer est indéniable ! Ajouté à
leur rôle bien connu de manne alimentaire pour les oiseaux,
conserver cet habitat se situe dans une problématique générale
de conservation de la biodiversité. Mais l'intérêt
de leur maintien va au delà. Ces nettoyeurs naturels des plages
que sont les détritiphages vont fragmenter la matière
organique, restituer les sels minéraux et donc enrichir le
sol en nitrates. Ce sont ces éléments qui vont servir
de nourriture aux mollusques et aux vers de bas de plage, eux-même
constituant une des ressources alimentaires pour les poissons. Ces
mêmes éléments constituent également la
ressource alimentaire des bactéries et vont donc servir à
leur maintien et à leur réensemencement. Or, ces bactéries
sont indispensables à l'élimination naturelle des micro-pollutions
d'hydrocarbures. Enfin, l'enrichissement du sol en nitrates va permettre
l'installation des premiers végétaux de la plage, et
donc de la dune embryonnaire.
L'intérêt de poursuivre l'acquisition de connaissances
sur les invertébrés des laisses de mer armoricains,
d'assurer leur diffusion et de participer à des opérations
de sensibilisation aux côtés d'autres organismes apparaît
donc ici comme indispensable.
Claire Mouquet
|
| Nous tenons à remercier
tous les bénévoles qui ont participé à cette
première phase de l'étude et qui ont donc permis la réalisation
de cet article.
Références utilisées :
BERGERARD J., 1989a.- Biologie des Diptères des laisses de
marée. Document distribué au séminaire de Diptérologie,
Paimpont.
BERGERARD J., 1989b.- Ecologie des laisses de marée. L'année
biologique, 28 (1) : 39-54.
CAUSSANEL C., 1965.- Recherches préliminaires sur le peuplement
de Coléoptères d'une plage sableuse atlantique. Ann.
Soc. Ent. France, 1 : 197-248.
CAUSSANEL C., 1970.- Contribution à l'étude du peuplement
d'une plage et d'une dune landaise. Vie et Milieu, 21
: 59-104.
CHEVIN H., 1966.- Végétation et peuplement entomologique
des terrains sablonneux de la côte ouest Cotentin. Extrait
des Mémoires de la Société Nationale des Sciences
Naturelles de Cherbourg, 52 : 8-138.
CHEVIN H., 1997- Les insectes des dépressions humides dunaires
du Cotentin. Insectes, 104 : 25-28.
CHEVIN H., 1998.- La vie dans les varechs échoués sur
les plages. Insectes, 109 : 9-10.
DAUPHIN P., DUVERGER C. & LAGUERRE M., (1995).- Données
entomologiques sur la zone littorale de la Réserve Naturelle
du Courant d'Huchet (Landes). Bull. Soc. Linn. Bordeaux, 23
(3) : 85-100.
DEBOUT G. & SPIROUX P., 2000.- La laisse de Haute Mer. Editions
du Cormoran, GONm, 60 p.
ESTEVE G., 1980.- Les zoocénoses d'arthropodes des sables mobiles
littoraux. Bull. Soc. Bota. Centre-Ouest, N.S., numéro
spécial 4 : 4-15.
KIRBY P., 1992.- Habitat management for invertebrates : a practical
handbook. RSPB, 150 p.
MOUQUET C. & CHEVRIER M., 2003.- Les invertébrés
terrestres des laisses de mer : présentation générale
et état des lieux de la côte ouest du département
de la Manche. GRETIA pour le Syndicat Mixte Côtes des Isles
développement, 25 p.
TIBERGHIEN G. & GELINAUD G., 2001.- Plages trop propres, plages
trop sales, deux mêmes catastrophes. Bretagne Vivante,
1 : 2-5.
Cet article est issu du bulletin du Gretia n°20.
|